Il était une fois, le voyage…
J’adore le voyage et plus que tout l’itinérance qu’il procure. Je l’ai découverte à 13 ans lors d’une traversée de la France par les petites routes… Cap Sud-Sud/Est, direction la Provence via le Jura, la Suisse, les Alpes, l’Italie, Menton et enfin la Provence… 8 jours à errer de villes en villages au gré des routes de campagne visitant clochers, parcs, curiosités…30 ans plus tard, cette itinérance me hante toujours; l’ivresse de la liberté; ces cagettes de fruits achetées sur le bord de la route, ces marchés pittoresques, ces bivouacs improvisés, bien loin du confort, l’aventure d’un quotidien réinventé. Depuis lors, elles furent nombreuses ces errances, et toujours, cette même excitation, ce même plaisir : en scooter, à pieds, en vélo, en courant, en voiture… qu’importe le moyen de transport ce qui compte, l’évasion…
Chaque année, c’est à peu près la même chose… au rituel du choix de la destination, vient ensuite la préparation du voyage… la logistique, le matériel – j’adore ! Des heures passées à recenser, étudier comparer : duvets, tentes, l’apport calorique de tel ou tel plat lyophilisé… quel kif ! Chacun s’occupe comme il peut…
J’y trouve aussi un terrain d’expression de mes talents de sourceur, sourcer le bon matériel, trouver le bon blog, un voyage avant le voyage en somme !
Où il est question de course à l’équipement
Ce que j’ai appris dans ces itinérances? On en emmène toujours trop, du moins, au début. On se sur-équipe.
Mon premier sac à dos pesait 30 kg pour 6 jours de randonnée. Quelques années plus tard, mon paquetage au Marathon des sables en pesait 9 nourriture comprise pour la même durée !
Le rapport avec le sourcing? j’y viens !
Connecté à de nombreux Slacks, discords, groupes facebook, j’observe chaque jour, cette même question…
“je rame sur mon sourcing de “Sales/data/developpeurs”… Auriez-vous un outil/une plateforme à me recommander?
Ah l’outil Ultime ! La plateforme magique et salvatrice !
Y a personne qui aurait -un marteau qui enfoncent les clous droit dans les angles droits inclinés???
L’outil en réponse à mon problème : si c’était si simple !
Heureusement, il existe des listes diffusées sous le manteau, ou pas du reste, faisant la recension du “must have” de tout bons sourceurs. Certains en ont même fait une marque de fabrique.
Dean Da Costa, thesearchauthorithy, publie quasiment hebdomadairement une vidéo sur un outil. Sa liste est vertigineuse. Longtemps ce fut mon pêché mignon : j’adore la nouveauté, le waouh effect, j’installe, je teste, quel régal.
Pourtant tout comme en trekking, ses plugins ont un coût. A la longue, cette suite sans fin de plugins finit par ralentir ma machine. La transformant alors en sèche-cheveux ou hélicoptère.
Par ailleurs, certains plugins, mal débogués, peuvent générer des incompatibilités entre outils voire avec certains sites ! je ne peux, par exemple, plus utiliser mon navigateur Chrome pour me connecter à mes comptes bancaires – je dois les consulter avec un autre navigateur “vierge”.
A chaque plugin son utilité me dit-on, c’est comme les mousquetons, les pitons, les duvets… il en existe une multitude. En fait, pour chaque situation il existe un outil, tout comme en maçonnerie il existe une multitude de truelles ou de couteaux en cuisine, nous avons aussi notre outillage.
Face à une situation donnée, je peux effectivement m’interroger sur l’outil à utiliser.
Mais comment le savoir, si la situation est inédite? Demander? Certes oui… Mais comment faire si je n’ai pas l’outil? je renonce ? J’en cherche un autre? Me voilà alors lancé dans la quête de l’outil ad hoc destiné à répondre à mon problème, à le résoudre. Sans lui, je suis perdu.
C’est le syndrome de la paire de baskets qui court vite !
Ce n’est pas ses pumas qui ont fait d’Usain Bolt un grand champion. Tout comme ce n’est pas LinkedIn qui fait un bon sourceur ! L’outil apporte du confort, de l’aide, guère plus !
Ce n’est pas l’outil qui fait l’ouvrier !
Si je reviens à l’équipement, je vois plusieurs limites à la profusion d’outils : la performance de ma machine, j’en ai déjà parlé ; la seconde, plus insidieuse… la perte de ma propre performance, liée à la profusion d’outils ! Tel un enfant dans une boutique de bonbons, je ne sais lequel choisir !
Le rapport avec avec l’itinérance? Qui veut voyager loin ménage sa monture !
Si je veux ménager ma monture et mon dos, je vais devoir partir léger et donc faire des choix. Renoncer aux gadgets pour me concentrer sur l’essentiel !
Il en est du sourcing comme du voyage, plutôt que de me concentrer sur le superflux, les gadgets, concentrons-nous sur l’essentiel : Le voyage et dans le cas du sourcing, sa finalité, recruter ou du moins structurer un vivier pour recruter.
Au fil des voyages, nous avons appris à nos fils à ne prendre que l’essentiel, cet essentiel varie bien entendu en fonction des destinations. Néanmoins, ce qui ne varie pas c’est que chacun dispose d’une pochette de 20 litres.
Nous sommes 5 et les répartissons dans deux sac de 90 litres que nous complétons ensuite par le petit matériel de bivouac si nécessaire et un peu d’électronique – les sacs ne font pas plus de 14 kg chacun, moyennant quoi, ils restent légers et faciles à transporter. La contrepartie, chaque élément est soigneusement choisi et réfléchi.
Il en est de même pour le sourcing. Avant de penser outil, pensons à ce nous souhaitons réaliser ! Pensons aux tâches que nous souhaitons effectuer et à partir de là construisons une méthode de résolution de problèmes.
Time is money !
Je suis parfois effrayé par les budgets consacrés aux outils versus le budget consacré aux équipes. Je ne parle pas ici de rémunération mais des moyens que l’on se donne pour réaliser une tâche : le temps !
- ce temps permettant une réflexion méthodique et la mise en place de stratégies efficientes
- ce temps permettant de se former et se développer en dehors des outils
Lorsque j’ai lancé Anara, je me suis imposé pour chaque opération de sourcing que je menais régulièrement d’identifier deux voire trois façons de les réaliser différemments, avec bien entendu un set-up d’outils différents :
L’objectif de l’exercice était d’une part de ne pas être en dépendance d’un unique outil ou d’une unique méthode afin de ne pas mettre en péril ma production et ainsi d’envisager une action sous plusieurs angles.
Cela me permet aussi de définir des processus reprogrammables à volonté en fonction de mes besoins et de leurs évolutions.
Less is more !
A l’issue de cette approche, mon goto quotidien, ma “stack sourcing” devient alors assez frugale : un scraper, un bulk-opener et un tableur !
En revanche, je connais parfaitement mes outils, j’en connais leurs avantages et leurs limites. Mais une fois encore, la maîtrise de l’outil est une condition nécessaire mais pas suffisante pour sourcer ou recruter. Ce qui me permet de sourcer ou de recruter c’est un processus global d’identification des enjeux et la mise en œuvre d’une approche méthodique pour y répondre.
Maîtriser le dernier outil de growth à la mode ne vous rendra pas plus efficace si vous n’avez pas soigneusement calés vos objectifs.
Science sans conscience n’est que ruine de l’âme !
Si cette phrase de Rabelais illustre le fait que sans une conscience humaniste, la science mène l’homme à sa perte; elle parle aussi de la nécessaire appropriation et de la conscientisation de la science comme levier de progrès. Autrement dit, je progresse si je m’approprie les concepts et je régresse quand je ne fait qu’appliquer machinalement.
Les outils nous augmentent ! En décuplant nos forces, il décuplent aussi nos erreurs !
Mon approche est avant tout pilotée par la tâche à traiter, je réfléchis ensuite aux outils utiles pour répondre le mieux possible à mon besoin. Je décompose donc chaque tâche en de multiples étapes et ensuite je réfléchis à comment réaliser chacune de ces petites étapes.
Un exemple concret, SVP !
Si je recherche des Développeurs Seniors appétents à l’innovation sur une technologie donnée (Ruby, NodeJs ou Laravel, la technologie importe peu…), je peux me lancer à corps perdu dans LinkedIn, je trouverai du monde où figurera la technologie sans aucun doute…
Mais quid de l’appétence à l’innovation ?
Je pourrais alors ne m’intéresser qu’à ceux qui revendiquent le fait d’être speaker à telles ou telles conférences par exemple ce qui en soit est un indice intéressant mais très vite les résultats risquent d’être maigres.
Une autre solution serait de s’intéresser directement aux conférences et conférenciers… ou encore aux Meetup voire pourquoi pas à Twitter etc…
Néanmoins, pour chacune de ces situations je vais devoir aborder une stratégie différente.
Conférences & Conférenciers :
Pour les conférences, il me faudra récupérer le noms des speakers puis ensuite enrichir ces noms – Linkedin pour alors être d’une grande aide.
Meetup :
Pour meetup, je pourrais récupérer la totalité du groupe – toutefois, si je prends NodeJs j’ai plus de 5000 personnes – l’enrichissement de données risque d’être long et fastidieux d’autant plus que je ne récupère que peu d’informations sur meetup (nom, prénom, parfois un twitter, facebook ou LinkedIn mais c’est marginal…) – par ailleurs vue la facilité d’inscription aux groupes, ce marqueur, l’appartenance au groupe Meetup, me semble trop faible.
Je me concentrerai plutôt alors sur ceux qui fréquentent les meetups, c’est-à-dire ceux qui font l’effort de s’y rendre. C’est ici un marqueur d’implication plus pertinent.
Je m’intéresserai alors à l’occurrence de fréquentation : plus la personne vient, plus elle est impliquée dans la communauté.
L’enrichissement linkedIn sera alors d’une aide précieuse, mais je devrai parfois être vigilant dans le choix de profils en cas d’homonymie.
Twitter :
Pour Twitter, je pourrais par exemple isoler les leaders d’opinion sur une technologie et en récupérer les followers. Je l’ai récemment mené sur Java – J’ai isolé 40 “leaders d’opinion” sur Java puis récupéré l’ensemble de leurs followers. Je me suis ensuite intéressé à ceux qui en suivaient le plus, filtrant alors les résultats avec d’autres éléments: géographie, biographie. J’ai par la suite enrichi le résultat ainsi obtenu via Github pour récupérer d’autres informations dont l’email qui me permit alors de retrouver assez facilement le profil LinkedIn.
Quel intérêt de mener cette gymnastique, si c’est pour finir sur LinkedIn? Elémentaire mon cher Watson ! L’assurance d’avoir des prospects appétant à la veille et donc à l’innovation.
Chaque plateforme possède sa logique. A nous de trouver les pivots pour enrichir notre connaissance.
Ainsi, une fois la logique posée, je vais réfléchir à comment traiter ma donnée et donc en décomposer les étapes :
Meetup process :
- Je récupère les “attendees” de chaque event
- Je nettoie la donnée en ne gardant que les personnes qui ont un prénom & un nom.
- Je fais un comptage d’occurrence
- Je regarde ceux qui sont strictement supérieurs à 1 et je détermine un seuil de fréquentation.
- J’enrichis alors via la recherche LinkedIn que je retrouve grâce au prénom & nom…
Une fois décrit ma chaîne de traitement, je peux m’interroger sur les outil et éventuellement sur l’automatisation d’une partie du processus
- Comment récupérer les attendees d’un meetup ? via un scraper. Si InstantDataScraper peut très bien faire l’affaire, Webscraper ou OutwitHub me permettront d’automatiser complètement le processus mais ils me demanderont aussi une montée en compétence plus importante.
- Comment puis-je nettoyer la donnée? je l’importe dans un tableur et effectue quelques filtres et autre manipulations simples (cf article sourcer meetup)
- Comment puis-je effectuer un comptage d’occurrence ? Via tableau croisé dynamique
- Ensuite, j’utiliserai un filtre dans ce tableau pour déterminer le bon seuil de fréquentation
- Je prépare l’enrichissement soit en créant une URL de recherche via la concatenation de “https://www.linkedin.com/search/results/people/?keywords=” et du prénom et du nom ; soit en utilisant un outil tel que phantombuster. (je préfère la première solution)
- Je vérifierai ensuite mes urls et retrouverai ainsi le bon profil des personnes avec un bulk opener en ouvrant mes URL 20 par 20 par exemple.
Ceci est un exemple détaillé pour meetup mais je serai en mesure de le reproduire pour chaque plateforme…
L’outil est en définitive peu de choses… il nous augmente et nous permet de nous affranchir de tâches fastidieuses et sans valeurs ajoutées. Ni plus, ni moins. N’espérez pas trouver l’outil qui sourcera à votre place, il n’existe tout simplement pas !
Pour quelle raison? Sourcer, ou approchez des personnes pour les transformer en candidats, implique bien plus de complexité qu’il n’y paraît par delà les outils et la méthodologie, c’est avant tout une affaire d’altérité.
En définitive, sourcer, c’est convaincre ! Et ça pour le moment aucune machine, IA et autre gadgets, n’est en mesure de le faire à votre place ! A vos argumentaires Donc ! Car c’est avant tout une question d’argumentation.
Votre sourcing est à la peine ? Interrogez-vous sur vos arguments plutôt que sur vos outils !
Pierre-André FORTIN